Paroi n°5 : vignettes du Livre des Morts (LdM), chapitre 110

Le chapitre 110

Titre : "Début des formules du Champ des offrandes, des formules pour sortir au jour, pour entrer et ressortir dans l'au-delà; rejoindre le Champ des roseaux, séjourner dans le Champ des offrandes, dans la grande ville de la maîtresse des vents; y être puissant, y être glorifié, y labourer, y moissonner, y manger, y boire, y faire l'amour et faire tout ce que l'on a l'habitude de faire sur terre."
Il s'agit d'un long chapitre, le seul du LdM entièrement consacré aux champs Élyséens, dont il montre la géographie. Le défunt parcourt les champs de l'au-delà en barque, adore les dieux qui s'y trouvent, laboure, sème et fait de magnifiques récoltes de céréales géantes.

Durant la XVIIIe dynastie, la reproduction dans une tombe de formules du LdM reste rare et ces formules se trouvent principalement dans les parties souterraines du monument (comme dans la ). Ce n'est qu'au tournant entre la XVIIIe et la XIXe dynastie (époque de la réalisation de la tombe de Paatonemheb) que le texte et/ou les vignettes de certains chapitres se retrouvent dans les chapelles de surface. Le chapitre 110 est alors un des plus souvent rencontrés.
On assiste parallèlement à la disparition progressive des scènes dites de la vie ordinaire du programme décoratif. Par exemple les repas et banquets, les porteurs funéraires, font place aux chapitres 59,110, et 148, qui ne font plus dépendre le défunt des offrandes aléatoires de son entourage, mais lui assurent, par la magie sympathique des textes et des images, la nourriture, l'eau, l'ombre et le vent frais et son admission dans les champs Élyséens.

Les vignettes sur la paroi 5

Les illustrations du chapitre 110 sur papyrus sont parmi les plus célèbres et les plus attachantes du LdM; celui de Nakht, qui se trouve au en est un bel exemple (). Elles ont été souvent reproduites, comme dans la tombe de Sennedjem TT1 () ou celle d'Amennakht TT218 ().

Il convient de rester prudent en décrivant ces vignettes souvent obscures. D'ailleurs les interprétations qu'en donnent les égyptologues varient parfois considérablement. La confusion qui règnent dans les noms des champs de l'au-delà en est une bonne illustration : champ des offrandes, champ des roseaux, champ des souchets, champ des félicités, champ d'Iarou…

La "carte géographique" du monde inférieur chez Paatonemheb

On distingue trois régions séparées et entourées de bras d'eau, division qui sera canonique à la Basse Époque. Elles occupent trois registres.

Registre supérieur

Paatonemheb et son épouse Tipouy se déplacent en barque pour se rendre d'un lieu à l'autre. À gauche, ils saluent humblement les dieux locaux auprès desquels ils sont introduits par un homme qui leur présente une offrande de ?
Du côté droit, l'homme offre une mèche à un faucon (Horus?) et une divinité anonyme, assise sur un trône (Osiris?). Les ovales derrière lui sont des noms de ville où le défunt trouvera de la nourriture.

Registre inférieur

Il montre le découpage géographique de l'au-delà, avec les canaux, les îles que le couple parcourt, les villes qu'il visite. Un bateau à six rames est régulièrement présent, au bout d'une sorte d'excroissance liquide (parfois appelée "montagne d'eau") qui représenterait une baie. L'esquif est identifiée comme "La barque d'Ounnefer" une forme d'Osiris régénéré - dont le trône est d'ailleurs sur l'embarcation.

Les trois dieux appartiennent à la Grande Ennéade. Derrière eux est représenté un escalier, dont la symbolique a été bien étudiée par Richard Wilkinson: l'escalier représente la transition d'un état à un autre, une interface entre le monde terrestre et l'au-delà. Dans le cas du chapitre 110, l'escalier permettrait l'accès aux registres supérieurs et notamment au champ d'Iarou, avec ses scènes agricoles. Une autre interprétation possible (qui n'exclut nullement la première) est cosmogonique: l'escalier serait un avatar du tertre primordial lorsqu'il est sorti de l'espace liquide primitif indifférencié la première fois et, par analogie, évoquerait la renaissance du défunt dans la tombe et son passage dans l'au-delà.

Registre médian

Il concerne les activités agricoles proprement dites. Les défunts semblent prendre plaisir à ces activités, pourtant, ailleurs dans le LdM, il est dit qu'ils feront appel à leurs serviteurs funéraires (chaouabtis, ouchebtis) pour faire le travail à leur place.
► Le défunt, portant ses plus beaux atours, laboure à l'aide d'un couple de bœufs. Il est suivi de Tipouy, elle aussi endimanchée ().
► Puis vient le temps de la moisson, miraculeuse.
► Puis on trouve Paatonemheb rendant hommage au héron de l'abondance. L'oiseau est bizarrement perché sur une sorte de trépied qui représenterait les élévations de terre faites par les paysans pour séparer les champs au moment de l'inondation. Cette dernière étant à l'origine de la prospérité du pays, le héron en est venu à symboliser l'abondance, la bonne récolte.
► Devant le couple assis cette prospérité est illustrée par une belle table d'offrandes et par la présence de deux monticules de grains, ainsi que par les noms des villes où le couple pourra trouver de la nourriture ().

Paroi n°6

()

Cette paroi montre deux couples assis, dirigés en sens opposé, l'un beaucoup plus grand que l'autre. Le couple le plus grand est certainement celui de Paatonemheb et Tipouy. Le second pourrait être celui des parents du défunt. Tous deux bénéficient de tables d'offrandes surchargées.
Deux jeunes personnes, sans doute les filles du couple, sont représentées assises sous le siège de Tipouy. Toutes deux tiennent des tiges de lotus et la première tient aussi un collier Menat, symbole hathorique.
Un prêtre consacre les offrandes ; derrière lui, deux porteurs s'avancent, portant des pains coniques pointus et des tiges de papyrus.