Zone 4 : construction et statuaire

Cette partie de la paroi sud est très dégradée. Quatre registres consacrés au travail de construction et de décoration à l'intérieur du temple de Karnak se déroulent devant Rekhmirê disparu, qui était suivi de ses aides (). Au-dessus du vizir on lit () : "Inspecter tous les travaux du domaine d'Amon à Karnak. Enseigner à chaque homme son travail quotidien, dans le cadre de sa fonction de superviseur des travaux". Il s'agit d'agrandir le domaine du dieu par de nouvelles constructions en briques et en terre, de réaliser des statues de grande taille, de transporter les blocs nécessaires par le fleuve et par voie de terre et enfin d'organiser les équipes de travail.

Premier registre (supérieur) : fabrication et transport de briques

Les esclaves qui travaillent sont "Les captifs que Sa Majesté a ramenés pour les travaux dans le temple d'Amon". On comprend ainsi la présence d'Asiatiques au teint clair et de Nubiens à la peau noire, vêtus d'un pagne en cuir. Leur tâche est explicitée : "Faire des briques pour reconstruire à neuf les ateliers d'Amon dans Karnak".

Le bassin où les hommes vont puiser l'eau est représenté comme un bassin d'agrément, entouré d'arbres, avec une berge verdoyante et une eau ridée où flottent des nénuphars (). Deux ouvriers puisent de l'eau pour la fabrication des briques. Celle-ci se fait à l'aide d'un mélange de boue du Nil et de paille hachée, travaillé à la houe () ou par piétinement (, , ) ; le mélange est amené aux briquetiers qui moulent les briques à l'aide d'un gabarit en bois (), puis les alignent au soleil pour les faire sécher ().

Le transport concerne des blocs rectangulaires blancs (calcaire) et roses (autre pierre ?) ; ces derniers sont empilés devant un Asiatique qui, agenouillé, tient sa houe droite (). Un Nubien lourdement chargé essaie de se redresser () tandis qu'un de ses camarades marche déjà vers sa destination (). Un porteur revient à vide, palanche sur l'épaule et croise un homme qui porte un unique bloc de calcaire (blanc).

L'édifice en train d'être construit est difficile à imaginer. Le commentaire inscrit le long de la pente ascendante semble être le fait de l'ouvrier qui, à l'aide de deux marteaux de pierre, ajuste des briques en place : "Apporter les blocs ; amener la terre et un très grand nombre de nattes ; construire comme un homme adroit de ses mains et vif dans ses tâches. Fais que les surveillants soient des hommes à poigne qui écoutent les conseils de ce prince, qui a l'expérience de la direction des équipes, qui peut fournir les procédures aux surveillants et qui pourvoit ses… pour nous en nourriture et boisson de bonne qualité. Il est notre directeur, motivé par l'envie que le roi dure pour l'éternité et que lui, le souverain de Haute et Basse Égypte, Menkheperrê, puisse bâtir un sanctuaire pour les dieux afin qu'en retour ils lui donnent des millions d'années".
Il pourrait s'agir du stade initial de la construction, avec édification d'une plate-forme comportant des piliers de pierre et, entre eux, un remplissage fait de briques, de débris divers, de palmes, de roseaux… (les traits incurvés), de branches (petits cercles) ().

Deuxième registre

Il est consacré au halage des blocs sur terre, mais il n'en reste pas grand-chose à part un grand bloc blanc à gauche, en haut. Deux exhortations rappellent le travail en cours : "Employez vos bras, camarades, afin de satisfaire la volonté de ce noble en érigeant le monument de son maître dans le temple de son père Amon. Son nom est 'Ferme-et-durable-autant-que-durent-les-années'" et "Le directeur des travaux m'a dit : 'apporte-moi la pierre'. (Alors) bandez vos muscles, camarades et utilisons nos bras sur le calcaire de la construction, qui a l'éternité en lui". Conformément à ces discours, on devine les restes d'un bloc tiré par l'avant et poussé par derrière à l'aide de leviers. Au-dessus, un second bloc, plus petit, est vraisemblablement traîné sur des rondins ().

Après une large lacune, on comprend que certains de ces blocs sont destinés à la statuaire. C'est ainsi qu'on voit, entourés d'échafaudages, deux colosses en granit rose en cours de réalisation. L'un représente un souverain debout (), l'autre le même souverain assis () ; entre les deux (), d'autres hommes s'affairent sur un sphinx (). Certains ouvriers dégrossissent les blocs à l'aide de percuteurs en pierre, d'autres les polissent, d'autres enfin gravent les détails à l'aide d'un petit ciseau et d'un percuteur. Un peintre remplit de peinture verte les hiéroglyphes du pilier dorsal du colosse debout.
Un des personnages est maladroitement penché sur une table d'offrandes en calcaire en forme de signe hotep au-dessus de laquelle on lit : "Un tailleur de pierre à l'ouvrage dans le temple et ? d'Amon… qui dirige tous les travaux de Karnak" (). À droite se trouvent deux colonnes de textes lacunaires : "Puisse ton cœur se réjouir, Ô vénérable… toutes les constructions qui protègent…".

Troisième registre

Trois bateaux chargés de blocs de pierre accostent, un quatrième quitte le port une fois son chargement débarqué (). Suit une large lacune puis les restes insignifiants du bâtiment en cours de construction. Après une nouvelle lacune se trouve une scène très intéressante (, ) : à côté des ouvriers en train de finir l'épannelage du bloc, d'autres travaillent à leur donner une surface parfaitement plane ou à s'assurer, en mesurant les diagonales au moyen d'une ficelle, que le bloc est d'équerre.

Quatrième registre

Le peu qui persiste montre l'organisation des travailleurs en petites brigades de six ou sept, sous la surveillance d'un contremaître. Les jeunes gens sont leurs fils et leurs apprentis. À l'extrême droite, des scribes sont au travail ().

Partie ouest (droite) de la paroi sud : scEnes rituelles

L'extrémité ouest des deux parois nord et sud est la plus proche de la statue et du monde souterrain, ce qui explique qu'elles soient occupées par des motifs religieux. Les riches Égyptiens de l'époque s'efforcent de reproduire des funérailles archaïques qu'on suppose avoir été en usage pour les rois de Basse Égypte dans des temps reculés.
Par la complémentarité de l'image (qui a sa propre valeur sémantique) et des textes (qui sont pour la plupart tirés des Textes des Pyramides, des Textes des Sarcophages et du Livre des Morts) un univers magique est mis en place. Il s'agit pour Rekhmirê de devenir un Osiris, un esprit glorieux (akh), un juste de voix (mâa-kherou). Pour cela, il doit avoir des connaissances "techniques" efficaces et des prêtres qui pratiquent scrupuleusement le rituel, notamment par des récitations.
Dans la chapelle de Rekhmirê, de nombreux rites sont représentés, pas toujours dans un ordre logique. Nous allons brièvement les évoquer, car il ne saurait être question dans le cadre de cette présentation de les détailler - d'autant plus que nombre d'entre eux restent mal compris ou sujets de débats (le mystérieux Tekenou, par exemple). Pour mémoire, ce n'est pas parce qu'un rite est représenté qu'il a vraiment été pratiqué, mais qu'importe, par magie sympathique l'image en tiendra lieu.

Selon Hays, on peut distinguer sept étapes dans les rituels funéraires chez Rekhmirê () :
A : Procession vers la nécropole ("accoster")
B : Procession vers la Place d'Embaumement ("débarquer", "approcher du pavillon divin")
C : embaumement et momification ("envelopper"), non représenté
D : Rites après l'embaumement, dont D2, pélerinage à Saïs ; D3, pélerinage en Abydos et D4, encore une scène de pélerinage vers la nécropole
E : procession vers la tombe ("faire un bel enterrement")
F : rituel de l'Ouverture de la Bouche ("ouvrir la bouche")
G : Intendance mortuaire ("offrandes invocatoires").
La place des pélerinages rituels sur la paroi est représentée sur .

De nombreux protagonistes participent aux différentes phases du rituel : outre les parents, collègues, amis et serviteurs, un personnel plus spécialisé est requis. Il se compose notamment de différentes catégories de prêtres, de pleureuses communes. Il faut citer aussi les deux grandes pleureuses qui jouent le rôle d'Isis et Nehphtys veillant sur leur frère et époux Osiris ; elles sont souvent désignées par le mot "djeret", "milan" (selon la légende, Isis, transformée en ce rapace, aurait battu des ailes afin de redonner le souffle de vie à son défunt mari Osiris puis s'est posée sur son phallus afin d'engendrer son héritier Horus). On trouve également dans le cortège les neuf "Semerou" ("Compagnons" ou "Amis") qui jouent, entre autres, le rôle des  ; à l'origine il s'agissaient de serviteurs royaux.

À l'extrémité droite de la paroi, nous trouvons quatre représentations superposées du vizir accompagné de sa femme (ou de sa mère) en face d'une table d'offrandes desservie par un prêtre-sem. Séparées du vizir par quelques colonnes de texte se dressent quatre entités divines : la déesse de l'Ouest, Anubis, Osiris et un faucon sur un pavois. Devant ces divinités se trouvent onze registres où se déroulent des épisodes des funérailles.
Dans la description qui suit, nous suivrons un ordre didactique (si ce n'est logique), en commençant par le registre du bas.

Registres 1 à 3 : scènes devant la déesse de l'Ouest dans sa chapelle

Complètement à gauche des registres 1 et 2 on trouve les embarcations qui servent (fictivement) au pèlerinage vers Abydos, ville sainte par excellence d'Osiris, où les défunts sont censés participer aux fêtes données en l'honneur du grand dieu des morts ; le voyage aller (voile carguée) se trouve registre 1, le voyage retour (voile déployée) se trouve registre 2. Bien sûr, il est impossible pour un défunt d'accomplir physiquement le jour de ses funérailles un pèlerinage dans les différentes cités dans lesquelles il est censé se rendre… En fait le rituel transpose dans un espace géographique sacralisé les étapes finales de la momification et la procession funéraire. Dans cet espace, l'offrande d'eau peut devenir une navigation et le cercueil un bateau (Quirke). Comme l'écrit Jéquier : "nous avons peine à nous rendre compte de la succession des scènes et à comprendre le sens et le rôle des nombreux acteurs et de tous les accessoires, mais nous constatons au moins que les barques jouent un rôle très important dans ce pèlerinage".

Registre 1

Après le bateau, on trouve le cercueil (dont trois hommes s'occupent) recouvert d'un catafalque ajouré posé sur un traîneau. Celui-ci est tiré par des boufs et des hommes ; il est précédé par un prêtre de Sokar reconnaissable à son grand manteau sans manches et par un personnage qui verse une libation de lait par terre. À l'avant, d'autres personnages lèvent les bras en signe d'allégresse, car ils arrivent à la nécropole où ils sont salués par un prêtre lecteur (). Derrière le traîneau suivent les neuf Compagnons tenant en main leur habituelle canne longue. On trouve ensuite une lacune puis le coffret à canopes traîné lui aussi vers la nécropole. Ces scènes, qui sont celles de l'arrivée à la tombe, devraient conclure les représentations et se trouver sur le registre du haut.

Registre 2

Sur le second registre, après le bateau, s'avancent les porteurs de l'équipement funéraire - qu'on retrouvera sur le registre cinq - (, , ). Le registre 2 se termine par une scène de boucherie () et deux hommes qui apportent immédiatement une patte, des côtes et le cœur de l'animal dans un vase (, ) vers une pile d'offrandes accumulées sur une sorte d'autel devant la déesse de l'Occident dans sa chapelle à corniche ().

Registre 3

Complètement à gauche se trouvent deux barques portant chacune une statue momiforme coiffée de la couronne rouge, dont nous reparlerons plus bas () ; un prêtre lecteur est là pour les accueillir. Les deux piquets d'amarrage sont momiformes, avec une extrémité effilée ; rappelons que piquets et cordes d'amarrage sont des objets sacrés susceptibles de recevoir un culte. À côté, dans ce qui est aujourd'hui une vaste lacune, se déroulait une lustration de Rekhmirê, probablement assis sur un vase () comme cela est illustré dans à Elkab () à l'aide d'un filtre kenmet-ouret (en vannerie ?) dont deux exemplaires vus de dessus se trouvent sur un pavois (). Viennent ensuite quatre pleureuses qui assistent à la purification de la momie du défunt dans son cercueil dressé sous un dais ().

Deux hommes semblent tirer en sens contraire le sarcophage rectangulaire, ce qui nous amène devant un édifice couronné d'une frise de khakérous devant lequel se tient un prêtre ritualiste. Puis, veillé à la proue et à la poupe par les deux grandes pleureuses, Isis et Nephtys, le défunt navigue sous un dais dans une barque en papyrus halée depuis la berge ; il est accueilli par un prêtre portant un long rouleau qui se tient devant deux édifices (, ). L'un d'entre eux possède une porte centrale et il est surmonté de deux petites chapelles "khem", avec deux palmiers ; l'autre a une façade percée de deux fenêtres surmontées de quatre colonnes fines.
Viennent ensuite deux Mouou en train d'exécuter leur danse caractéristique ().

La navigation suivante, encore une fois virtuelle, mène le défunt à Saïs : "Guider Rekhmirê…accostage à Saïs, l'endroit où se trouve le grand dieu". Saïs, située dans le Delta occidental, est le centre de culte principal de la déesse guerrière Neith. La cité est célèbre pour la qualité de son lin tissé qui fut associée à la momie d'Osiris et parce que la tombe du grand dieu des morts est censée s'y trouver. La barque est tirée par quatre hommes () vers une porte devant laquelle un officiant agenouillé consacre une patte de bœuf.